Nora Sbaï a perdu son fils et puis tout le reste: son emploi, son autre fils, qui a dû fuir, et même son logement. Elle a dû déménager. Face aux menaces, elle ne pouvait rester dans son quartier et vit aujourd’hui dans le petit appartement de sa fille. «
On a tout perdu», dit-elle. Nora cherche toujours de l’aide. À la suite du meurtre, elle explique qu’elle ne savait pas à «
qui s’adresser», alors que ces deux cadets, des jumeaux, sont traumatisés. Sur scène, Nora avoue qu’elle ne fait plus «
confiance en personne».
Elle et sa famille sont mises au ban de la société et s’enfoncent dans la marginalisation. Cette partie 2 de l’enquête sur scène explore les aides qui sont proposées aux proches des victimes sur Marseille. L’ Association d’aide aux victimes d’actes de délinquance
(AVAD) apporte un soutien personnalisé. Il peut être juridique, psychologique. Parmi ses outils: le Dispositif d'intervention et de soutien aux personnes affectées par des actions violentes (DISPAV).
Les familles attendent aussi des réponses de la justice. Les affaires de narcobanditisme peuvent prendre plusieurs années avant d’être élucidées. Seule la moitié l’ont été ces dix dernières années dans les Bouches-du-Rhône selon la police judiciaire. Un chiffre pourtant supérieur à la moyenne nationale (35%). Or les proches des victimes peuvent croiser, côtoyer celui ou celle qu’elles présument être le coupable. Elles jugent ces aides insuffisantes. D’autres voies sont à explorer. C’est à découvrir dans la prochaine partie, le 4 janvier: «La recherche de la justice sociale.
L’AVAD, pilier du soutien aux proches de victimes
L’association, Loi 1901, créée en 1983, est un acteur incontournable de l’aide apportée aux proches des victimes d’homicides à Marseille. Forte de 20 emplois temps plein, elle a sous sa responsabilité deux dispositifs: le Service d’aide aux victimes d’urgence (Savu), qui s’adresse directement aux victimes directement concernées par l'événement et le Dispositif d’intervention et de soutien aux personnes affectées par des actions judiciaires (Dispav) qui s’adresse lui à un public plus large. L’aide apportée dépend de chaque bénéficiaire. Outre le soutien psychologique, un accompagnement social, une aide juridique sont apportés selon les besoins et une permanence téléphonique est mise à disposition, au 04 96 11 68 80.
Les proches des personnes tuées interrogées jugent pourtant que c’est insuffisant. Atika Saïb dénonce par exemple que les cousins de la victime n’ont pas eu accès à l’Avad. Pour ceux qui y accèdent, l'Avad suscite parfois la méfiance car la préfecture de police est à la fois le financeur et le responsable du déploiement des deux dispositifs. Sur scène le commandant Jean-Christophe Roux rappelle cependant que l'association travaille en-dehors de toute procédure judiciaire.
Une justice à bout de souffle
Entre le crime, l’enquête et son jugement, plusieurs années se sont écoulées. Cette durée s’explique en partie, seulement, par le manque de moyens mis à disposition de la justice. Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a annoncé une hausse du budget de 8% pour 2023 fin septembre. Par ailleurs, 1500 postes de magistrats et 1500 postes de greffiers devraient être créés sur l’ensemble du quinquennat.
Pas de quoi satisfaire les syndicats.
La Commission européenne pour l’efficacité de la Justice (CEPEJ) met en avant que la France a un des effectifs les plus bas d’Europe.
Son rapport sur les systèmes judiciaires européens réalisés en 2022, montre que le nombre de juges, avocats ou procureurs est systématiquement en-dessous de la médiane des pays membres du Conseil de l’Europe. Le montant moyen des crédits alloués à la justice s’établit à 72,53 euros en France contre 82,15 euros en Italie.
Le rapport du comité des Etats généraux de la justice (avril 2022) notait que «
la justice [française]
n’a plus les moyens de remplir son rôle », suscitant «
l’incompréhension des justiciables, le découragement des professionnels de justice et [entraînant]
des tensions avec les avocats.»