À partir de 2017, après le choc du rapport Fos-Epseal, d’autres études scientifiques viennent confirmer l’impact de la pollution industrielle sur l’état de santé des habitants du golfe de Fos.
Elles mettent à jour le rôle cancérigène, voire reprotoxiques (qui nuisent au système reproducteur) de certaines molécules émises. La pollution, qui imprègne jusqu’au sang les habitants, contamine aussi ce qu’ils mangent.
La mauvaise qualité de l’air devient une certitude: «
il y a eu une prise de conscience de tout le monde », remarque Daniel Moutet, qui lutte depuis vingt ans contre ces pollutions, à la tête de l’
Association de Défense et de Protection du Littoral du Golfe de Fos.
Mais l’État peine encore à prendre la mesure du phénomène, souligne le militant, qui raconte avoir révélé que l’entreprise Arcelor Mittal, en déversant à même le sol des «
poches d’acier», provoquait d’énormes panaches de poussière, à la
Dreal (direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement), s’indignant: «
eux n’étaient même pas au courant!».
Cette usine, pointée par des rapports gouvernementaux comme le «
principal émetteur polluant dans la zone selon les autorités», continue de bénéficier de dérogations malgré ses manquements à la réglementation, punis par des mises en demeure administratives guère dissuasives.
Aujourd’hui, Arcelor comme Kem One ou encore Esso sont la cible de procédures judiciaires engagées par les habitants, qui ont décidé de ne plus subir. L’avocate Julie Andreu accompagne 250 parties civiles, 7 associations et un syndicat dans cette démarche, après une plainte contre X pour «
mise en danger délibérée de la vie d’autrui» dont s’est saisie une juge d’instruction spécialisée à Marseille. De quoi faire pression pour obtenir plus d’informations sur les rejets des entreprises à découvrir lors de notre troisième partie: «La quête de transparence.»
Vingt ans de combat associatif
L’Association de défense et de protection du littoral du golfe de Fos (ADPLGF) a été créée en 2002 par Daniel Moutet. Elle rassemble aujourd’hui 250 membres mobilisés par la défense environnementale de leur territoire. Tout commence, il y a vingt ans, lorsque DFG annonce son intention d’implanter un terminal méthanier sur la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer. L’association dépose un recours contre l’autorisation d’exploitation qui aurait pour conséquences de raser la moitié de
plage du Cavaou. La justice met six ans à l’étudier. Entre-temps, GDF a forcément achevé la construction du terminal tout en ayant pris soin de revoir son projet. Petit lot de consolation pour l’association soulagée de constater que la direction a finalement décidé de doubler les fondations du terrain, le projet étant situé sur une faille sismique et de diminuer les cuves de moitié.
En 2003, les Fosséens apprennent, cette fois-ci, que la ville a été choisie pour installer un incinérateur destiné à brûler les déchets de l’agglomération marseillaise. Là aussi, l’association décide de porter l’affaire en justice mais elle perd son recours. Depuis, ADPLGF poursuit ses actions auprès des riverains surtout sur la question des impacts de la pollution atmosphérique en termes de nuisances et de santé publique.
Vingt ans de combat associatif
Entre 2016 et 2021, le Bureau d’analyse des risques et pollutions industrielles a recensé près de 600 incidents d’exploitation dans les Bouches-du-Rhône. Plus de la moitié concerne la zone de Fos.
ArcelorMittal multiplie notamment les incidents majeurs d’exploitation : cinq en 2021 et au moins deux en 2022. À chaque fois ou presque, le scénario est le même. Pour éviter tout risque d’explosion après une panne d’électricité, l’usine met en chandelle les gaz de la
cokerie, l’une des installations les plus polluantes de l’usine, ce qui libère des dizaines de milliers de tonnes de gaz toxiques dans l’atmosphère.
Pour régler le problème, la direction s’est enfin décidée à investir 1,5 millions d’euros pour équiper les 126 fours de sa cokerie d’un système de torchage automatique qui doit permettre de brûler les gaz et de réduire ainsi ses émissions atmosphériques.